Déficit fonctionnel permanent Ce poste de préjudice cherche à indemniser un préjudice extra-patrimonial découlant d’une incapacité constatée médicalement qui établit que le dommage subi a une incidence sur les fonctions du corps humain de la victime. Il s’agit ici de réparer les incidences du dommage qui touchent exclusivement à la sphère personnelle de la victime. Il convient d’indemniser, à ce titre, non seulement les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime78, mais aussi la douleur permanente qu’elle ressent, la perte de la qualité de vie et les troubles dans les conditions d’existence qu’elle rencontre au quotidien après sa consolidation. Ce poste peut être défini, selon la Commission européenne à la suite des travaux de Trèves de juin 2000, comme correspondant à “la réduction définitive du potentiel physique, psycho-sensoriel, ou intellectuel résultant de l’atteinte à l’intégrité anatomo-physiologique médicalementconstatable donc appréciable par un examen clinique approprié complété par l’étude des examens complémentaires produits, à laquelle s’ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, normalement liées à l’atteinte séquellaire décrite ainsi que les,conséquences habituellement et objectivement liées à cette atteinte dans la vie de tous les jours”. En outre, ce poste de préjudice doit réparer la perte d’autonomie personnelle que vit la victime dans ses activités journalières, ainsi que tous les déficits fonctionnels spécifiques qui demeurent même après la consolidation. En raison de son caractère général, ce déficit fonctionnel permanent ne se confond pas avec le préjudice d’agrément, lequel a pour sa part un objet spécifique en ce qu’il porte sur la privation d’une activité déterminée de loisirs. Afin d’éviter une double indemnisation de la victime entre ce poste “déficit fonctionnel permanent” et une rente, notamment comme cela est le cas en matière de victime d'accident du travail, le groupe de travail recommande que les tiers payeurs soient désormais contraints de présenter à l'organe d'indemnisation un état de leur créance relative à la rente versée à la victime qui contienne une ventilation entre la part de cette créance destinée à indemniser la partie patrimoniale du préjudice corporel et celle visant à en indemniser la partie extra-patrimoniale. A défaut, si le tiers payeur n'effectue aucune diligence pour procéder à cette "clé" de répartition, le groupe recommande que l'organe d'indemnisation pose une présomption réfragable de partage à égalité entre les parts patrimoniale et extra-patrimoniale du préjudice corporel ainsi indemnisé par l'intermédiaire du versement de la rente.
Préjudice d’agrément Ce poste de préjudice vise exclusivement à réparer le préjudice d’agrément spécifique lié à l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs. Ce poste de préjudice doit être apprécié in concreto en tenant compte de tous les paramètres individuels de la victime (âge, niveau, etc.).
Préjudice esthétique permanent Ce poste cherche à réparer les atteintes physiques et plus généralement les éléments de nature à altérer l’apparence physique de la victime notamment comme le fait de devoir se présenter avec une cicatrice permanente sur le visage. Ce préjudice a un caractère strictement personnel et il est en principe évalué par les experts selon une échelle de 1 à 7 (de très léger à très important).
Préjudice sexuel Ce poste concerne la réparation des préjudices touchant à la sphère sexuelle. Il convient de distinguer trois types de préjudice de nature sexuelle : - le préjudice morphologique qui est lié à l’atteinte aux organes sexuels primaires et secondaires résultant du dommage subi ; - le préjudice lié à l’acte sexuel lui-même qui repose sur la perte du plaisir lié à l’accomplissement de l’acte sexuel (perte de l’envie ou de la libido, perte de la capacité physique de réaliser l’acte, perte de la capacité à accéder au plaisir) ; - le préjudice lié à une impossibilité ou une difficulté à procréer (ce préjudice pouvant notamment chez la femme se traduire sous diverses formes comme le préjudice obstétrical, etc.). Là encore, ce préjudice doit être apprécié in concreto en prenant en considération les paramètres personnels de chaque victime.
Préjudice d’établissement Ce poste de préjudice cherche à indemniser la perte d’espoir, de chance ou de toute possibilité de réaliser un projet de vie familiale “normale” en raison de la gravité du handicap permanent, dont reste atteint la victime après sa consolidation : il s’agit de la perte d’une chance de se marier, de fonder une famille, d’élever des enfants et plus généralement des bouleversements dans les projets de vie de la victime qui l’obligent à effectuer certaines renonciations sur le plan familial. Il convient ici de le définir par référence à la définition retenue par le Conseil national de l’aide aux victimes comme la “perte d’espoir et de chance de normalement réaliser un projet de viefamiliale (se marier, fonder une famille, élever des enfants, etc.) en raison de la gravité duhandicap”. Ce type de préjudice doit être apprécié in concreto pour chaque individu en tenant compte notamment de son âge.
Préjudices permanents exceptionnels Lors de ses travaux, le groupe de travail a pu constater combien, il était nécessaire de ne pas retenir une nomenclature trop rigide de la liste des postes de préjudice corporel. Ainsi, il existe des préjudices atypiques qui sont directement liés aux handicaps permanents, dont reste atteint la victime après sa consolidation et dont elle peut légitimement souhaiter obtenir une réparation. Ainsi, il existe des préjudices extra-patrimoniaux permanents qui prennent une résonnance toute particulière soit en raison de la nature des victimes, soit en raison des circonstances ou de la nature de l’accident à l’origine du dommage.
Préjudices liés à des pathologies évolutives Il s’agit d’un poste de préjudice relativement récent qui concerne toutes les pathologies évolutives. Il s’agit notamment de maladies incurables susceptibles d’évoluer et dont le risque d’évolution constitue en lui-même un chef de préjudice distinct qui doit être indemnisé en tant que tel. C’est un chef de préjudice qui existe en dehors de toute consolidation des blessures, puisqu’il se présente pendant et après la maladie traumatique. Tel est la cas du préjudice lié à la contamination d’une personne par le virus de l’hépatite C, celui du V.I.H., la maladie de Creutzfeldt-Jakob ou l’amiante, etc. Il s’agit ici d’indemniser “le préjudice résultant pour une victime de la connaissance de sacontamination par un agent exogène, quelle que soit sa nature (biologique, physique ouchimique), qui comporte le risque d’apparition à plus ou moins brève échéance, d’une pathologiemettant en jeu le pronostic vital”81. Bien évidemment, la liste de ce type de préjudice est susceptible de s’allonger dans l’avenir au regard des progrès de la médecine qui mettent de plus en plus en évidence ce type de pathologie virale ou autre jusque là inexistante ou non détectée.